Nous sommes un vendredi, il est 13h, vous revenez tranquillement d’un déjeuner avec une de vos équipes Scrum. Tout le monde semble heureux de voir arriver le week-end à grands pas et pourtant, sur un sujet en particulier, la grogne est palpable. Vous devinez qu’ils ne digèrent pas quelque chose. A priori, ce ne sont ni les sashimi au chocolat, ni le poulpe fourré à la confiture de framboises servis au Jap’ du coin qui posent problème…c’est le dessert du Sprint qui est en cause : la rétrospective.
Que se passe-t-il ? Rien qui ne puisse se résoudre avec du bicarbonate de soude malheureusement. Mais avant d’en chercher l’origine, commençons d’abord par identifier quelques symptômes :
- L’équipe tente de négocier le rythme de l’évènement. Ils vont vous dire qu’ils aimeraient la faire une fois sur deux, une fois sur trois, ou pire, à la demande…Certains essayeront même de vous vendre ça comme du Scrumban, un mélange de Scrum et Kanban assez curieux apparu en 2009 dans lequel de toute façon, les rétrospectives restent régulières et fréquentes. Bref, ils vont chercher des dérivatifs.
- Ça grogne dans les couloirs et à la machine à café. Les membres de l’équipe y vont chacun de leur petit commentaire acide sur l’ennui que la rétrospective leur inspire (sauf s’ils ne se sentent pas en sécurité pour s’exprimer librement, ce qui est un autre problème).
- Les plus timides se contentent d’arborer un air endormi qui trahit un ennui profond.
- Les plus audacieux arrivent en retard ou se permettent carrément d’être absents, comme j’ai vu parfois faire…
Et soyons clairs, tout cela n’empêche pas de conduire une rétrospective (molle et ennuyeuse) à son terme et d’en tirer une ou deux actions d’amélioration mais honnêtement, ce ne sont pas des conditions idéales pour que l’équipe tire le meilleur d’elle-même.
Pourquoi cette situation ?
Les raisons pour lesquelles la rétrospective peut mal se passer sont nombreuses et je ne prétends pas toutes les connaître, loin de là. J’ai retenu pour cet article deux points d’attention : durée et répétitivité.
- Durée : le Guide Scrum prescrit des rétrospectives d’un maximum de trois heures pour des Sprints de un mois. Ce qui nous amène au standard habituel : des cérémonies de une heure trente maximum pour des sprints de deux semaines. Et il s’agit bien là d’un maximum, un détail un peu trop vite oublié…
- Répétitivité : quand l’équipe se farcit pour la troisième ou quatrième fois consécutive la même rétrospective “Speed Boat” ou “étoile de mer”, il est facile de comprendre qu’une certaine lassitude s’installe…Tout dépend bien sûr du contexte. D’aucuns diront que comme le contexte change, le contenu de la rétrospective aussi. C’est malheureusement assez peu vrai sur des développements longs où le risque est étalé sur une longue période, où la composition de l’équipe est stable (une bonne nouvelle) ou encore quand leur autonomie est limitée (une mauvaise nouvelle)…
Les Solutions
Sans surprise : agir sur ces deux leviers, et surtout, expérimenter !
Respecter la durée de l’évènement : une évidence ?
Respecter la durée de la rétrospective. Dit comme ça, ça paraît évident voire ballot, mais il n’est pas rare de voir des rétrospectives s’éterniser bien au-delà du temps règlementaire. C’est particulièrement vrai lorsque la composition de l’équipe dépasse le nombre de développeurs préconisés par Scrum…Je rappelle ce que nous dit le guide 2020 :
“The Scrum Team is small enough to remain nimble and large enough to complete significant work within a Sprint, typically 10 or fewer people.”
Le nombre de membres doit donc tourner idéalement autour d’un maximum de 10 personnes (Scrum Master et Product Owner inclus). J’ai observé plus d’une fois un phénomène intéressant : la durée de la rétrospective a parfois tendance à augmenter proportionnellement avec le nombre de personnes présentes dans l’équipe (pour plusieurs raisons que je ne développerai pas ici)…
Mes conseils :
- Désigner un gardien du temps qui devra surveiller implacablement l’écoulement du chronomètre.
- Expérimenter avec des rétrospectives de une heure, 45 minutes ou même 30 minutes, quelle que soit la taille de l’équipe. Rien de tel qu’une bonne contrainte de temps pour obtenir des séances plus dynamiques et efficaces.
Variez les plaisirs
Le matériel ne manque pas sur le web, pour organiser des rétrospectives plus créatives. Une source en particulier ? Le site retromat, qui réunit des tas d’idées pour tester d’autres formats de rétrospective (choisir la version anglaise, bien plus fournie que la française).
Autre idée (que j’ai expérimentée), la rétrospective “Bienvenue à Hollywood” présentée dans ce lien par Jean-Pierre Lambert (une figure bien connue de Scrum/Agile). Une rétrospective qui demande un certain temps de préparation, mais on n’a rien sans rien et c’est toujours plus stimulant qu’un enième “speed boat”…
Enfin, si possible, changez d’endroit ! Il est vrai que c’est devenu compliqué en ces temps de télétravail mais pour ceux qui sont encore sur place, rien de plus ennuyeux que de se réunir à chaque fois dans les mêmes locaux aseptisés…Rien de tel qu’un changement d’air pour voir les choses sous un autre angle.
Finalement
En conclusion, dans un cas comme dans l’autre, pour la durée comme pour le contenu, ne vous cherchez pas d’excuses (“on est trop nombreux”, “on a trop de sujets à aborder” etc.) et n’hésitez pas à expérimenter jusqu’à ce que les résultats attendus soient au rendez-vous!
3 comments on “Narcolepsie à la Rétrospective, une aventure de Scrum”